[Okfn-ca] Fwd: :: S.I.Lex :: Proposer des "grainothèques" en bibliothèque pour favoriser le partage des semences libres
Diane Mercier
diane.mercier at gmail.com
Sat Dec 21 15:00:54 UTC 2013
Pour votre information
-------- Message original --------
Sujet: :: S.I.Lex ::
Date : Wed, 18 Dec 2013 23:21:59 +0000
De : :: S.I.Lex :: <calimaq at gmail.com>
Pour : diane_mercier at consultus.qc.ca
:: S.I.Lex ::
:: S.I.Lex :: <http://scinfolex.com>
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Proposer des "grainothèques" en bibliothèque pour favoriser le partage
des semences libres
<http://feedproxy.google.com/%7Er/http/scinfolexwordpresscom/%7E3/LE1A6qqfkL4/?utm_source=feedburner&utm_medium=email>
Posted: 18 Dec 2013 09:28 AM PST
Mon intérêt pour les biens communs m’a peu à peu fait découvrir la
problématique des semences, dont les enjeux sont aujourd’hui
considérables et rejoignent par certains côtés ceux de la Culture libre.
J’ai eu déjà eu par exemple l’occasion sur S.I.Lex de consacrer des
billets à des projets de licences libres appliquées aux semences
<http://scinfolex.com/2013/05/03/open-source-seeds-licence-une-licence-pour-liberer-les-semences/>
ou à la question du domaine public végétal
<http://scinfolex.com/2013/10/05/le-domaine-public-des-semences-un-tresor-menace/>.
Alors que les semences constituent un patrimoine millénaire qui s’est
développé par le biais du partage de graines entre paysans, cette
pratique est aujourd’hui fragilisée par des restrictions légales,
faisant courir un risque à la biodiversité. Les variétés végétales tout
comme les oeuvres de l’esprit, peuvent en effet être saisies par la
propriété intellectuelle
<http://www.semencespaysannes.org/reglementation_de_la_propriete_intellectuelle_435.php>,
par le biais de certificats d’obtention végétale ou de brevets
protégeant les intérêts de l’industrie semencière. Le mois dernier, la
discussion au Sénat d’une loi sur la contrefaçon a fait rejaillir de
nombreuses inquiétudes
<http://www.bastamag.net/Agriculteurs-et-jardiniers-seront>, dans la
mesure où la production de semences par les agriculteurs, voire même par
des jardiniers amateurs, pourrait finir par être assimilée à une forme
de "piratage" .
Le sujet est donc de première importance et récemment, une initiative a
attiré mon attention. L’Association Graines de Troc
<http://grainesdetroc.fr/>, qui développe une plateforme en ligne
d’échange de semences, propose en effet à des bibliothèques d’accueillir
des "grainothèques", sous la forme de boîtes en carton contenant des
sachets de graines. Les usagers de la bibliothèques sont invités à venir
piocher dans ces boîtes des graines, correspondant à des variétés
traditionnelles ou paysannes, pour les cultiver dans leur jardin ainsi
qu’à se documenter sur la manière de produire leurs propres semences
pour alimenter la grainothèque à leur tour.
Souhaitant en savoir davantage sur cette idée que je trouve excellente,
j’ai posé quelques questions à Sébastien Wittevert à l’origine du projet
/Graines de troc/, qui a eu la gentillesse de bien vouloir y répondre.
La médiathèque de Lagord <http://www.lagord.fr/mediatheque.htm> en
Charente maritime a déjà adopté une de ces grainothèques proposées par
/Graines de Troc/. J’espère que la lecture de ces lignes pourra
contribuer à susciter d’autres vocations parmi les bibliothécaires en
France. Aux Etats-Unis, le "prêt" de graines se pratique déjà dans
certaines bibliothèques
<http://www.actualitte.com/bibliotheques/partage-de-semences-dans-les-bibliotheques-du-wisconsin-44430.htm>,
à côté du prêt de livres ou de DVD, avec des programmes parfois
ambitieux comme celui de la Richmond Public Library
<http://www.richmondgrowsseeds.org/> en Californie. Il serait
intéressant que cette démarche se développe en France, afin que les
bibliothèques deviennent un lieu où se croisent les Biens communs de la
Connaissance et ceux de la Nature.
*1) Pourrais-tu nous présenter brièvement la plateforme Graines de
Troc et les objectifs que vous poursuivez ?*
La plateforme est issue d’une initiative individuelle, suite à une prise
de conscience. Il s’agissait de faire de son mieux pour défendre la
biodiversité cultivée, dont l’état est très préoccupant. Nul besoin
d’être spécialiste pour s’en rendre compte
<http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23461>…
http://grainesdetroc.fr/
Encouragé par les membres et les nombreux soutiens, nous nous sommes
réunis en association pour poursuivre collectivement nos objectifs.
Nous avons conçu un système d’échange innovant de graines par voie
postale. Ce système met virtuellement en commun l’ensemble des semences
proposées par chacun des troqueurs et les échanges sont facilités par
une sorte de monnaie virtuelle, les "jetons". Malgré sa jeunesse,
l’efficacité du système est remarquable : après un an de rodage, 3000
échanges de variétés en 2013, actuellement 600 par mois, pour 1250
troqueurs, et 1300 variétés différentes disponibles de légumes et de fleurs.
Le partage des savoir-faire associé à la reproduction de semences étant
tout aussi essentiel, nous y dédions la plateforme, de par les
ressources disponibles, la mise en avant des échanges locaux, des
rencontres, des ateliers et formations sur la reproduction de semence.
Nous essayons d’inciter le jardinier, mais, finalement, tout citoyen à
reprendre en main la question fondamentale de la semence. Quelque chose
se joue en ce moment auquel nous devons prendre part. C’est de l’avenir
des semences de notre patrimoine commun dont il s’agit. Au moins être
conscient, au mieux agir.
*2) Pourquoi mettre l’accent sur le partage des graines ? En quoi
cette pratique est-elle importante et contribue notamment à la
biodiversité ?*
C’est par le partage qu’elles ont voyagé et nous sont parvenues. C’est
un geste ancestral qui a construit véritablement la biodiversité.
Chacune de nos espèces s’est lentement adaptée dans un champ ou un
jardin, puis partagée dans un autre, avec parfois des différences, qui a
la longue, ont véritablement construit une immense diversité de variétés
de légumes.
L’accès libre a cette biodiversité est essentiel afin de pouvoir la
conserver, et l’entretenir dans la diversité de nos environnements,
idéalement localement, pour que s’exprime le potentiel de chaque variété.
L’abondance et la profusion des graines invite naturellement à leur partage.
En ce qui concerne les agriculteurs, la législation menace ce geste,
ainsi que, c’est d’actualité, la simple reproduction de ses propres graines.
Je ne vois pas comment pourrait se concrétiser une interdiction de
partager ou reproduire nos graines au jardin, mais aujourd’hui, peu
importe puisque la majorité des semences des jardins provient bien, en
amont, des agriculteurs.
C’est la que le partage, des graines ET des savoir faire pour les
reproduire semble particulièrement important.
*3) Quelle est la différence entre les semences traditionnelles ou
paysannes, dites "libres" et les semences issues de l’industrie
semencière ? Pourquoi y a-t-il un enjeu à favoriser les premières ?*
L’industrie semencière répond au seul objectif du profit et non à celui
"de nourrir la planète".
Ce n’est pas celui des semences traditionnelles qui étaient d’être
adaptées à chaque usage, à chaque terroir, à chaque façon.
Généralement mieux adaptées et rustiques, elles ont pas ou peu besoin
d’engrais ou pesticides.
Les agriculteurs ont confié leurs semences à cette industrie qui proposa
de moderniser les rendements à grand renforts de lucratifs machines,
engrais et pesticides.
Dès lors les semences traditionnelles n’apportant pas ou peu de profits
complémentaires sont progressivement retirées des catalogues, et non
entretenues, disparaissent.
Aujourd’hui, on ne mange plus une tomate pour son goût, mais pour sa
résistance aux chocs..
Ajoutez le fait que la concentration de ces entreprises semencières, la
ou jadis chaque paysan assurait l’entretien d’une petite partie d’une
immense richesse variétale, aujourd’hui crée une inévitable
standardisation des semences proposés, et vous comprendrez l’origine de
l’effondrement de notre biodiversité cultivée, constatée par la FAO.
<http://grainesdetroc.fr/img/media/400521_230249320383691_2142562950_n.jpg>
Ce n’est pas sans intérêts financiers puisque, ne pouvant plus
reproduire ses semences, techniquement par la généralisation des
semences hybrides, ou légalement par brevet ou interdiction,
l’agriculteur, comme le jardinier doit recourir chaque année à l’achat
des graines, quel qu’en soit le prix.
A mon sens, nous devons rapidement regagner en autonomie en nous
ré-appropriant les semences libres avec les savoir-faire associés.
Chose que l’on nous présente bien entendu comme irréaliste, alors
qu’autrefois nous le faisions tous, ainsi s’étant construite la diversité.
*4) Vous proposez à des bibliothèques d’installer des
"grainothèques" dans leurs locaux pour favoriser le partage des
semences ? En quoi consiste exactement cette initiative et comment
vous est venue l’idée d’associer des bibliothèques à votre démarche ?*
Il s’agit d’une simple boite, disposée dans un endroit public, ou chacun
peut y déposer et y prendre les graines de son choix. Une explication
est proposée pour expliquer la démarche.
C’est une pratique courante qu’une semence se "prête", et se "rende"
après avoir fait des petits. Ce n’est pas pour rien que le concept est
déjà bien développé dans les bibliothèques notamment aux États-Unis
<http://justmap.it/embedded/map.do?m=APkhyt2Biuaz>.
<http://justmap.it/embedded/map.do?m=APkhyt2Biuaz>
Ce qui est nouveau peut être, c’est de les planter à la mode des
Incroyables Comestibles <http://www.incredible-edible.info/>, et
d’inviter à l’essaimage. En phase avec les objectifs de ce mouvement qui
propose la "nourriture à partager", nous proposons les "semences à
partager".
D’autres lieux s’y prêtent : écoles, lieux alternatifs, locaux associatifs…
Attention, ce n’est pas une vocation conservatoire qui demande des
compétences précises et une logistique plus importante.
Il n’est pas question de faire n’importe comment non plus. Nous invitons
les jardiniers à comprendre et apprendre les techniques simples pour
reproduire leurs semences.
Beaucoup pensent qu’il est facile de récupérer des graines de courges,
et bien plus compliqué pour la tomate. C’est pourtant l’inverse..
Dans toute chose il faut savoir ce que l’on fait. La règle du jeu est
dans la boite. Nous prenons le parti de faire confiance.
Schématisons qu’une graine en donne 100, (pour la salade c’est 10000,
les courges 200) il suffirait donc qu’une personne sur 100 qui en
prenne, dépose à son tour un sachet de graines pour que la boite
"fonctionne".
<http://grainesdetroc.fr/got.php>
Les perspectives ouvertes par cette initiative semblent prometteuses…
si on considère la sensibilisation, les graines prises semées dans les
jardins, l’apprentissage, le don, le partage, sans compter que certains
ne vont pas en rester là pour aller plus loin encore.
Il me semble important de sensibiliser au-delà de la sphère jardinière.
Les graines doivent sortir des jardins, et regagner une place
essentielle dans l’esprit de tous, comme le sont les livres, pas
seulement pour les libraires, les greniers ou les rats.
Je vous rassure, nous ne pensons pas que les grainothèques vont
remplacer le travail de nos semenciers militants, tout comme les bacs
Incroyables Comestibles ne vont pas nous empêcher de nous retourner vers
nos maraîchers locaux. Au contraire, elles interrogent et c’est cela le
but. Nous avons besoin de nous reposer les bonnes questions, être
ensemble, dans le partage et la construction. C’est essentiel pour les
défis qui nous attendent.
Nous avons semé des graines de grainothèque. Et bien, étonnement, elles
poussent.. Ce sont déjà 5 grainothèques qui ont été installées en France
<http://grainesdetroc.fr/got.php?tab=2>.
*5) Certains considèrent les bibliothèques comme des "fabriques du
citoyen". Sur le site de Graines de Troc, le partage des semences
est présenté comme une forme d’engagement citoyen. Est-ce que tu
peux développer cet aspect ?*
Alors pour le moment, ce sont plutôt des citoyens qui fabriquent des
grainothèques …
Alors qu’aujourd’hui une majorité de gens voient la protection de
l’environnement comme une priorité absolue. Ce n’est pas l’impression
que me donnent nos élus.
Concernant les semences, on peut rêver que l’industrie change ses
pratiques. Les agriculteurs et maraîchers subissent d’insupportables
pressions pour pouvoir s’en occuper.
Il ne reste donc que le jardinier et le citoyen, capables du sursaut, et
pour épauler agriculteurs et collectifs engagés. Et je crois que c’est
ce qui se passe un peu partout. A défaut d’une démarche publique, le
citoyen finit par prendre le taureau par les cornes. On ne compte plus
les projets de reconversions et de retour à la terre..
Considérant cela, il peut légitiment paraître difficile de trouver
l’énergie de signer et relayer les multiples pétitions, qui de toute
façon n’arrivent même pas sur les bureaux. Il est urgent de se mettre au
travail pour conserver ces graines.
Il faut trouver des solutions, par l’échange et la conservation dans les
jardins, mais aussi, et c’est indispensable, dans les champs de nos
agriculteurs.
A notre niveau, nous essayons d’inspirer et d’apporter à chacun les
moyens d’agir concrètement depuis chez lui, en semant, en récoltant et
en partageant ses graines.
Le jeton qui permet que le site fonctionne aussi simplement, est une
belle expérience du concept des monnaies complémentaires, un outil de la
transition.
La grainothèque, c’est une invitation à se mobiliser : un petit geste
d’insubordination, une petite désobéissance civile, une liberté prise
ici quand on nous la menace ailleurs, une façon de dire que nous
trouverons de toute façon un moyen de prendre soin de nos semences.
On ne demande pas à ce que nous redevenions tous jardinier mais d’autres
formes d’engagement existent. Il y a toujours le soutien financier aux
collectifs (Réseau Semences Paysannes, Kokopelli, ou même nous
<http://grainesdetroc.fr/asso.php?tab=3>. Plus concrètement, les amaps
par exemple sont un excellent outil pour favoriser des pratiques
différentes. De nombreux agriculteurs ont besoin de notre soutien
lorsqu’ils ont le courage de prendre un autre chemin.
Une autre forme d’engagement : avec quelques personnes issues du groupe
local colibri <http://www.colibris-lemouvement.org/>(pays rochelais),
nous essayons de nous pencher sur la question de la semence. Nous
avançons, citoyennement, pas si lentement que cela, nous nous
organisons, semons, apprenons.. Nous avons notamment inaugurer la
première grainothèque, nous nous intéressons aux semences locales, nous
proposons des ateliers, et nous nous engageons à apporter notre aide à
un magnifique programme de conservation local de 7000 variétés potagères.
Pour saisir l’enjeu général, j’essaye parfois de me représenter
mentalement :
Chaque graine de chaque variété a été semé, récolté, année après année,
transmise de génération en génération, de jardins en jardins et de
peuple en peuple, partout sur la planète depuis 10000 ans, avec
bienveillance..
Excusez moi pour la répétition : partout sur la planète, de peuple en
peuple, de jardins en jardins, de génération en génération, chaque
variété, chaque graine semé… en s’adaptant ainsi à nos usages, à nos
environnements.
Je crois, aujourd’hui, qu’il est question de savoir ce que l’on fait de
tout ça, et d’être un maximum à être sûrs de ce que l’on va en faire.
*6) Concrètement si des bibliothèques veulent mettre en place une
grainothèque, quelle est la démarche à suivre et peut-on vous
contacter ?*
Oui, n’hésitez pas à nous contacter
<http://grainesdetroc.fr/contact.php>, que ce soit pour parler de la
démarche, commander un kit ou pour partager la bonne nouvelle de
l’inauguration.
Pour l’installation, si c’est la bibliothèque qui le souhaite, c’est
facile, si vous souhaiteriez que votre bibliothèque en héberge une, il
faudra convaincre le responsable..
Passé ce cap, nous invitons à construire sa propre boite, et
s’approprier la démarche. Il est très facile de transformer un simple
carton en un joli présentoir.
Nous proposons sur le site les documents et visuels à imprimer. Mais
nous proposons aussi une grainothèque en kit
<http://grainesdetroc.fr/got.php?tab=4>, avec les documents, et quelques
graines.
<http://grainesdetroc.fr/img/depot/got/kit.jpg>
Il est nécessaire de s’en occuper à minima, en remplaçant les modes
d’emplois épuisés, aussi nous conseillons qu’il y ait un référant, mais
la bibliothèque peut très bien y veiller.
Ce n’est pas grave si la boite ne contient plus de graines, c’est une
invitation au dépôt.
C’est peut être la première chose à faire ensuite : proposer aux
jardiniers du coin d’amener les premières graines lors de l’inauguration.
Nous avons quelques suggestions
<http://grainesdetroc.fr/article.php?id=119> pour les bibliothèques qui
souhaitent y associer un fonds documentaire.
N’hésitez pas à partager les photos de la grainothèque que vous
installerez, de l’inauguration, et célébrons ensemble nos actions. C’est
très motivant de voir pousser les grainothèques sur une carte !
Ensuite, c’est comme au jardin, pour voir ce que cela donne, il faudra
faire preuve de patience.
*****
*Site internet :* http://www.grainesdetroc.fr
*Page Facebook :*www.facebook.com/Grainesdetroc.fr
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*Grainothèque :* www.grainesdetroc.fr/got/ <http://grainesdetroc.fr/got/>
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